Du Contrat Social - Livre II, Chap. VIII : De l'état civil
par Jean-Jacques Rousseau
Ce passage de l’état de nature à l’état civil produit dans l’homme un changement très remarquable, en substituant dans sa conduite la justice à l’instinct, & donnant à ses actions la moralité qui leur manquoit auparavant.
C’est alors seulement que la voix du devoir succédant à l’impulsion physique & le droit à l’appetit, l’homme, qui jusque là n’avoit regardé que lui-même, se voit forcé d’agir sur d’autres principes, & de consulter sa raison avant d’écouter ses penchans.
Quoiqu’il se prive dans cet état de plusieurs avantages qu’il tient de la nature, il en regagne de si grands, ses facultés s’exercent & se développent, ses idées s’étendent, ses sentimens s’ennoblissent, son ame tout entiere s’éleve à tel point, que si les abus de cette nouvelle condition ne le dégradoient souvent au dessous de celle dont il est sorti, il devroit bénir sans cesse l’instant heureux qui l’en arracha pour jamais, & qui, d’un animal stupide & borné, fit un être intelligent & un homme.
Ajoutée le 26/04/2025